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Le bonheur à la maison
Et si notre lieu de vie reflétait à notre insu tous nos idéaux de bien-être et nos critères de satisfaction ? Spécialiste du bonheur, le psychiatre Christophe André porte un éclairage différent sur nos maisons.
Christophe André
Dans son dernier livre, Alain de Botton pose une question toute simple, mais importante : « Quels rapports entre nos lieux de vie et nos aptitudes au bonheur ? » Celle-ci a déclenché en moi une réflexion sur les liens entre notre bien-être et nos maisons. D’accord, maison et bonheur, c’est un cliché, du genre La Petite Maison dans la prairie.
D’accord, un bel édifice ne suffit pas au repos de l’âme, comme nous le rappelle Alain de Botton : « La plus noble architecture peut parfois faire moins pour nous qu’une sieste ou un cachet d’aspirine. » Mais tout de même : toutes les études ramènent dans leurs filets cette image d’une maison dans laquelle on peut couler des jours heureux.
Un refuge et un abri
La maison comme écrin du bonheur ? L’histoire n’est pas nouvelle. Dès l’Antiquité, Epicure rappelait les conditions nécessaires et suffisantes pour une vie heureuse : de la liberté, de la nourriture, des amis… et un toit pour profiter du tout. Le besoin de se sentir en sécurité quelque part remonte à l’histoire de notre espèce : nous sommes des animaux fragiles, sans carapace ni coquille. Nous ne pouvons vivre sans cesse aux aguets, exposés aux agressions, à la nuit, au froid, à la pluie, et il nous faut un abri. Pensez au plaisir du retour chez vous les soirs d’automne glacés, sombres et pluvieux. Au bonheur d’écouter la pluie, bien au chaud dans votre lit. Ce besoin fondamental d’un espace de sécurité, nous protégeant des éléments naturels et des prédateurs, explique le traumatisme psychologique ressenti à la suite des cambriolages, qui sont des viols de notre sanctuaire psychologique, des mises à sac de notre base de sécurité.
Un lieu de liens
Goethe rappelait qu’il ne serait pire tourment que d’être seul au paradis : même dans la maison de nos rêves, comment se sentir pleinement heureux si l’on y est solitaire ? Le toit protecteur ne devient maison du bonheur que s’il est un lieu d’accueil et d’échanges entre amis et proches. Les psys entendent souvent ces récits de nostalgie parentale : c’est le « syndrome du nid vide », dans des maisons d’où les enfants sont partis.
Base d’envol
C’est qu’une maison n’est pas une prison : elle est faite pour être quittée. Un endroit où l’on se sent heureux, c’est aussi une base d’ouverture au monde. Les travaux sur la psychologie de l’attachement nous rappellent que l’on n’explore bien – avec bonheur ! – son environnement que si l’on dispose de bases arrière sûres. Comme l’écrivait Henry de Montherlant : « Un foyer ne doit pas être un lieu où l’on séjourne, mais un lieu où l’on revient. » Ah ! le bonheur de se retrouver chez soi après de longues vacances ou un grand voyage ! Et l’attachement affectif aux maisons familiales de vacances ! Et le besoin, chez les vrais nomades, d’un lieu où se poser entre deux pérégrinations. Cette respiration – quitter et retrouver – donne plus de force au bonheur de disposer d’un lieu que l’on aime et qui, semble-t-il, nous aime aussi…
Une incarnation de nos idéaux
Finalement, si nous y sommes si attachés à ces maisons, c’est parce qu’elles incarnent nos idéaux de bonheur. Elles traduisent notre manière de concevoir une existence heureuse : ouvertes aux quatre vents ou protégées ; calmes ou bruyantes ; dépouillées ou encombrées… Nos intérieurs expriment notre manière de produire du bonheur. Qui n’a ressenti une pointe de curiosité à rendre visite pour la première fois à des connaissances : « Comment c’est chez eux ? »
On perçoit qu’en découvrant leur maison, on va apprendre beaucoup sur eux. Je parle parfois de cela avec mes amis médecins généralistes, qui me décrivent ce que les visites à domicile racontent de leurs patients. Mais les psys se livrent rarement à l’exercice.
Une influence inconsciente
Que de liens donc entre nos maisons et nos visions de bonheur ! Et pourtant, nous y prêtons si peu attention… Et si nous ouvrions un peu les yeux ? Vous êtes chez vous ? Alors posez ce magazine et regardez autour de vous. Déambulez. Observez ce que vous aimez, tout ce qui vous rend heureux dans votre home, sweet home : volumes, couleurs, lumière, ce que vous voyez depuis vos fenêtres ; souvenez-vous de l’histoire de ces meubles et de ces objets ; prenez conscience de ce bain quotidien qui vous façonne, de son influence invisible mais puissante. Souriez : vous êtes chez vous…
Source : psychologies.com
Tags : Feng shui
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