• Ce que nos animaux nous enseignent

     

    © Jupiter

    S’ils sont d’indéniables antidotes à la solitude et au stress, les animaux de compagnie sont aussi de véritables donneurs de leçons… de vie. A condition de les observer attentivement et de les aimer pour ce qu’ils sont.

    Flavia Mazelin-Salvi

     

    L’indéfectible loyauté du chien, la fière sensualité du chat, l’hypersensibilité du cheval, l’inaltérable impassibilité du poisson rouge… La surenchère dans le choix des épithètes est la règle dans le monde des animaux de compagnie. Un univers dans lequel projections narcissiques, amour de la nature et connaissances empiriques cohabitent avec plus ou moins d’excès.

     

    Amour des animaux ou amour de soi ?

    Contrairement à l’idée reçue qui associe animal familier et personne seule, ce sont les foyers d’au moins trois personnes qui accueillent chiens et chats (Les Français et leurs animaux de compagnie, enquête Facco/TNS Sofres, 2003). La principale motivation ? L’amour des animaux, déclarent d’une seule voix 60 % des propriétaires interrogés. Mais aussi le plaisir d’avoir de la compagnie et de s’en occuper. Le développement de l’enfant est également un argument non négligeable, mis en avant par 70 % des familles « adoptantes ». Les trois quarts des personnes interrogées insistent sur le « rôle social » de l’animal de compagnie, créateur de lien, agent actif contre la solitude et antistress unanimement reconnu.

    « La relation à l’animal de compagnie est en pleine évolution depuis vingt-cinq ans, constate Jean-Luc Vuillemenot, secrétaire général de l’Association française d’information et de recherche sur l’animal de compagnie (Afirac). Autrefois utilitaires dans le milieu rural, peluches vivantes pour les enfants ou petits compagnons des personnes âgées, le chien et le chat ont totalement investi la famille. La dimension affective dans cette relation ne cesse de se renforcer. Ce qui est nouveau, c’est la notion de responsabilité, d’engagement. On veut connaître son animal, son fonctionnement, à la fois physique et affectif, pour mieux s’en occuper. » Une connaissance que nombre de propriétaires acquièrent par l’observation de leur animal et sur laquelle ils sont la plupart du temps intarissables. Car parler de son chien ou de son chat engage l’affect de manière parfois incontrôlable.

    « On ne peut nier qu’il existe un investissement narcissique important dans la relation avec l’animal de compagnie, remarque Isabelle Bianchi, psychologue. Le propriétaire évoque souvent la particularité de son animal, sa capacité à réagir à telle ou telle situation, à devancer certaines demandes. Le discours tourne la plupart du temps autour de la spécificité de son chien ou de son chat, et cela est fréquent chez les personnes qui ont du mal à parler d’elles. »

     

    L’école de la différence

    L’animal de compagnie, un thérapeute qui s’ignore ? Si l’animal a le don de délier les langues et de générer des démonstrations affectives particulières, sa spécificité est justement de ne pas être un thérapeute, selon Nadine Centena, psychologue et membre de l’Afirac. « A une époque où tout doit être thérapeutique, l’animal de compagnie offre, lui, un espace relationnel, qui a certes des effets bénéfiques, mais qui repose sur l’absence de norme et d’attentes particulières. Entre un chien ou un chat et son propriétaire, il se passe des choses d’ordre émotionnel, mais est-ce pour autant thérapeutique ? »

    Pour la psychologue, la plus grande vertu de cette relation réside dans sa dimension créative. « Le fait que la communication avec l’animal soit non verbale oblige à affûter son sens de l’observation, pour le comprendre et être compris de lui. En cela, elle est une école de l’altérité. »


    Pour l’éthologue américain Aaron Katcher, cité par l’ACPS (In les dossiers de l’Animal de compagnie presse service (ACPS) n° 3, bulletin de l’Afirac), « notre relation avec l’animal de compagnie n’est ni un substitut ni une singerie des relations humaines, mais un supplément qui les enrichit ».

    « Le besoin qu’a l’homme de s’approprier la nature est inscrit en lui depuis les origines, affirme l’anthropologue Jean-Pierre Digard, directeur de recherche au CNRS et auteur des Français et leurs animaux (Hachette, 2005). Le phénomène “animal de compagnie” est allé croissant avec la perte progressive du contact avec la nature. En prenant un animal sous son toit, l’homme a, d’une certaine façon, l’impression de la recréer. » Selon l’anthropologue, outre le besoin de la proximité et la fascination, l’homme serait en quête de rédemption. « Dans toutes les sociétés de chasseurs, les hommes rapportent chez eux les petits des animaux qu’ils ont tués à la chasse, et ces animaux sont élevés comme des enfants. D’une certaine façon, ils équilibrent l’acte de tuer et l’acte de nourrir et d’élever. Dans nos sociétés de grand abattage animalier, il se pourrait que les animaux de compagnie soient inconsciemment associés à des animaux rédempteurs, c’est ce que j’appelle la quête d’innocence. »

     

    Le chien

    Son maître mot : la sociabilité. A la fois affectueux et respectueux de la hiérarchie, il sait observer son entourage avant d’établir des relations personnalisées avec chacun des occupants de son territoire.

    L’esprit du maître
    Propriétaire de teckel ou de labrador, même combat. Malgré la diversité de leurs motivations, les propriétaires canins partagent une même attirance pour la hiérarchie (pour le chien, le maître est son chef de meute) et les relations loyales (malgré d’éventuels mauvais traitements, le chien peut demeurer soumis à son maître). Si les hommes entretiennent un rapport de domination avec leur chien, et le choisissent souvent de grande taille, les femmes préfèrent un animal que l’on peut prendre sous le bras, et ont tendance à le materner. Les propriétaires de chien apprécient particulièrement son adaptabilité émotionnelle, ainsi que sa capacité à manifester une affection inconditionnelle.

    La leçon du chien
    Observer avant d’entrer en relation. Ses qualités sont essentiellement relationnelles. Observateur, empathique, il ressent fortement la peur et le plaisir des humains. Placé dans un environnement nouveau, le chien reste en position d’observation pendant une quinzaine de jours, le temps d’intégrer le fonctionnement hiérarchique et territorial de son entourage : qui est le chef, qui nourrit, qui joue. Ces informations digérées, le chien développe une relation personnalisée avec chacun des occupants de son territoire. Sa spécificité : aller vers tous mais en tenant compte de la hiérarchie. A l’exception des moments de jeu, où il se permet de la bousculer avant de reprendre sa place. Un modèle de sociabilité.

     

    Le chat

    Son maître mot : la juste distance. Cet indépendant hypersensible sait distiller les marques d’affection, juste ce qu’il faut…

    L’esprit du maître
    Le cliché de l’amoureux des chats, à la fois esthète et solitaire, n’est pas tout à fait erroné. Le chat est un animal territorial plus que social. Pour vivre en bonne entente avec lui, son maître doit respecter son territoire et son rythme de vie, ce qui dessine le profil d’un maître non intrusif et davantage porté vers la contemplation que vers l’action. Les moments d’échanges affectifs et tactiles, généralement choisis par le chat, font de son propriétaire une personne soucieuse de respecter les besoins d’autrui et fermement décidée à défendre les siens.

    La leçon du chat
    Vivre et laisser vivre. Connaître ses besoins, choisir ce qui lui convient le mieux : le chat n’a pas son pareil pour flairer le meilleur, partout où il se trouve. Au point que certains soulignent son égoïsme. En réalité, le chat est un hypersensible dont les capacités d’attachement, certes peu spectaculaires de prime abord, font de lui un compagnon fidèle, présent et calmant. Il sait toutefois témoigner son affection par de petites touches de tendresse voluptueuses. « Ni trop près, ni trop loin » pourrait être sa devise. Une vraie leçon d’équilibre affectif.

     

    Le poisson

    Son maître mot : la “zen attitude”. Il sait s’adapter n’importe où, pourvu qu’il y ait de l’eau. Une quiétude absolue qui fait envie.

    L’esprit du maître
    Peut-on parler de maître ? Qui peut se vanter d’avoir des échanges affectifs avec son poisson rouge ? La main qui distribue la nourriture est-elle seulement vue ? Les animaux à sang froid sont en général appréciés par les tempéraments à sang-froid : esprits observateurs, contemplatifs, mais aussi les esthètes fascinés par ce monde silencieux et coloré qu’ils peuvent faire évoluer à leur gré. L’aquariophilie est une passion évolutive, l’environnement créé par la main de l’homme devient de plus en plus sophistiqué à mesure que l’intérêt esthétique et scientifique se développe.

    La leçon du poisson
    S’adapter envers et contre tout. Il y a bien sûr l’infinie quiétude du poisson rouge, qui peut voir s’écrouler le monde autour de lui sans qu’une seule de ses écailles ne frémisse. Il est un peu le Monsieur Jourdain du zen. Mais la vraie leçon de vie qu’il donne est une leçon darwinienne : son extraordinaire adaptation dans un milieu totalement artificiel. Une pompe à oxygène, du sable aseptisé, des algues fluo, et le poisson nage, vit et se reproduit comme s’il vivait dans l’océan.

    C’est sans doute ce qui fascine les aquariophiles, qui dépensent des sommes astronomiques pour recréer dans leur salon un petit coin du paradis sous-marin des Seychelles. Une vraie leçon de résilience subaquatique.
    En savoir plus : www.aquabase.org

     

    Le cheval

    Son maître mot : l’authenticité. Véritable éponge émotionnelle, il est capable de ressentir profondément l’amour, la peur ou la gêne, et exige donc des rapports à la fois sincères et pleins d’affection.

    L’esprit du maître
    Deux profils se dégagent : le dresseur et le randonneur. Le premier est proche du propriétaire de chien. Le dressage exige fermeté, sens de la hiérarchie, autorité et grande sensibilité. Le second associe le cheval à la liberté, aux grands espaces, à l’harmonie avec la nature. Autant le dresseur est pragmatique et exigeant, autant le second est plutôt idéaliste et pratique la « cool attitude ».

    La leçon du cheval
    Pas d’autorité sans amour. Le cheval suscite l’amour et le ressent profondément. Comme nul autre, il capte la peur, la nervosité, l’impatience, le manque de délicatesse et ne se prive pas de le faire savoir. Pour obtenir gain de cause avec lui : patience, douceur, fermeté et cohérence dans les directives. Son hypersensibilité détecte les messages contradictoires. Avec lui on ne peut pas tricher.

     

    Je veux un animal

    L’enfant réclame un animal vers 5 ou 6 ans au moment de l’œdipe, selon le psychiatre Daniel Marcelli, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au CHU de Poitiers et auteur, notamment, de Ados, galères, complexes et prises de tête (avec Guillemette de La Borie, Albin Michel, 2005). « Il demande d’abord un petit frère ou une petite sœur, puis reporte son désir sur un animal, moins concurrentiel pour lui. » Les parents doivent percevoir la vraie demande de l’enfant. S’ennuie-t-il à la maison ? A-t-il besoin d’affection ? « Trop souvent l’enfant s’entend dire : “D’accord, mais tu t’en occupes !” déplore Daniel Marcelli. C’est très angoissant pour l’enfant. »

     

    source psychologies.com

     

     
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